Interview Ilaria Fatone, designer d’intérieur - partie 1

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Qui es-tu Ilaria ?

Italienne et installée en France depuis bientôt 20 ans, je suis une historienne de l'Art reconvertie dans la décoration d'intérieur. Je suis fascinée par les univers doux et accueillants, les intérieurs épurés et un style de vie simple et naturel. Depuis 2012, je partage mes coups de coeur design et mes inspirations pour un Slow Design à adopter dans la vie de tous les jours.

Qu’est-ce-qu’un objet déco doit apporter pour rester dans ton coeur ?

Pour moi il y a trois choses, la première c’est le souvenir, le fait qu’un objet soit lié à un moment de notre vie, à un achat lié au voyage, avec un souvenir agréable. Un exemple : j’adore la céramique et quand on voyage j’aime toujours ramener un souvenir, un objet en céramique d’un artisan local. La deuxième chose est qu’il faut que l’objet ait une fonction, qu’elle soit réelle ou simplement une fonction potentielle. L’objet déco juste pour la déco n’a pas de valeur. Pour finir, il faut qu’il y ait un sens. Le sens, le souvenir et la fonction sont donc les piliers d’un objet déco idéal que je souhaiterai conserver.

Qu’est-ce-que pour toi le "parisian cool" ?

Les parisiennes, plus que les parisiens en général, ont toujours eu un peu ce côté chic qui ressortait. Selon moi, le « parisian cool » en déco, c’est cette capacité à relier une certaine élégance à quelque chose du quotidien. Ce n’est pas du luxe car il y a un côté ostentatoire que l’on n’a pas dans le « parisian cool ». C’est quelque chose qui a une simplicité élégante et une praticité.

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Comment imagines-tu la déco dans 10 ans ?

Pour moi, tout dépend de l’évolution de la conscience écologique. Si celle-ci et les actions qui en découlent persistent, on réussira (je l’espère) à réduire la consommation de mobilier, à se concentrer sur du mobilier plus durable et issu possiblement de la production la plus locale possible. Pas forcément française, mais européenne serait déjà pas mal, ou même africaine, puisque c’est beaucoup plus proche que l’Asie. Les marques nous proposent des collections capsules en continu pour nous pousser à changer constamment la déco de nos intérieurs. Les tendances sont de plus en plus répandues et les réseaux sociaux agissent comme un catalyseur, avec cette impression de ne jamais réussir à être à la hauteur des intérieurs qu’on voit chez les autres. C’est ce qui donnent des achats compulsifs qui n’ont aucun sens. Si tout va bien, on reviendra à la base du concept de design : créer des objets qui ont une fonction et un sens, en plus d’être esthétiques, c’est un peu tout ce qui a fait bouger le "Arts & Crafts" à la fin du 19ème siècle. De nos jours, 70% des objets qu’on trouve en magasin n’a aucune fonction exceptée celle d’être décorative. On ne peut pas continuer comme ça. Pour résumer, ce sont ces deux paramètres là : durabilité et fonction de l’objet décoratif, même si pour moi l’aspect esthétique est aussi primordial.

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Que souhaites-tu transmettre aux gens par ton métier actuel et ton expérience d’historienne de l’art ?

À travers mon métier actuel, je rêve que les maisons du monde entier soient des endroits où l’on se sente bien. Nul besoin d’espace immense mais un espace où l’on a envie de passer du temps et où l’on se sent bien. Ça a toujours été quelque chose de central pour moi. Parfois il y a juste besoin d’aménager différemment une pièce pour s’y sentir bien. Après, le choix des couleurs, des tissus, des matières, des objets, est un arbitrage qu’on fait avec le client. On me demande souvent : "comment cela se fait que tu aies des projets très différents les uns des autres ?". C’est simplement parce que l’objectif est que le client se sente véritablement chez lui, si j’applique mon style partout, il sera plutôt chez moi. Ensuite, mon expérience d’historienne de l’art m’aide car je suis spécialiste de manuscrits enluminés. Ce sont ces images, ces peintures dans les manuscrits du Moyen-Âge, qui au premier coup d’œil nous transmet une harmonie, mais qui nous dévoile une multitude de détails quand on observe de plus près. Cette attention aux détails, aux associations de couleur m’a donné la passion des couleurs, c’est certain. J’ai aussi appris que vision d’ensemble et détails sont liés et j’ai maintenu cela indépendamment de ma volonté….

Fatoumata Gaye